CELIA CALLOIS Au petit matin du vendredi 13 octobre 1307, lorsqu’il fait arrêter les chevaliers de l’ordre du Temple, Philippe le Bel ...
Au petit matin du vendredi 13 octobre 1307, lorsqu’il fait arrêter les chevaliers de l’ordre du Temple, Philippe le Bel crée une superstition qui traversera les siècles, en commettant un double coup de force. A l’encontre d’une puissance monastique, devenue une sorte d’Etat dans l’Etat grâce aux richesses accumulées, et contre la papauté, seule autorité qui s’impose à ces moines-soldats. Pour légitimer cette intervention hors norme, le roi de France brandit l’étendard de la lutte contre l’hérésie. Aux templiers, il reproche de se prêter à un rituel impie consistant à cracher trois fois sur un crucifix, mais aussi de pratiquer l’amour entre hommes.
Cette dernière accusation n’a pas toujours revêtu la dimension scandaleuse qui lui est attribuée. « Au début du Moyen Age, les pénitentiels qui définissaient les sanctions attachées aux différents péchés se montraient très accommodants avec la sodomie. Celle-ci était généralement tolérée par les clercs, même s’il s’en trouva certains pour regretter qu’elle ne fut pas davantage réprimée. C’est essentiellement à partir du XIVe siècle que l’homosexualité tombe pour de bon sous les foudres de la loi », souligne André Larané, fondateur du site Herodote.net.
Jusqu’alors, « la rumeur des crimes commis par les Templiers n’avait guère été colportée que par le roi de France lui-même et par son entourage, estime Julien Théry, professeur d’histoire médiévale à l’Université Lyon-II. Pour faire admettre l’état de nécessité exceptionnelle qui avait imposé cette mesure, il fallait obtenir au plus vite les preuves irréfutables de la réalité et de l’énormité des crimes en cause. »
Bas de l’épine dorsale
Au XIVe siècle, grâce à la torture, la chose n’a rien de très compliqué. Des aveux sont extorqués, et à grande échelle. Parmi les 140 Templiers de Paris, 54 sont brûlés après avoir avoué leurs horribles péchés, répertoriés dans un acte d’accusation détaillé, toujours le même. Celui-ci prétend que, lors de la cérémonie d’intronisation, le nouveau templier doit baiser l’officiant non pas sur la bouche, comme il est de coutume lors des rituels d’allégeance, mais « au bas de l’épine dorsale ». Ce « baiser immonde » signe un pacte avec le diable.
Autre imputation résultant de la première : le nouveau venu dans la confrérie accepte de s’adonner à des actes de sodomie avec d’autres moines-soldats. En 2004, le médiéviste anglais Jonathan Riley-Smith est revenu sur ces accusations qui, rappelle-t-il, s’inspirent largement du catalogue des poncifs utilisés contre les supposés hérétiques. Selon lui, le « baiser immonde » n’était peut-être pas une invention mais il se serait agi d’une plaisanterie issue de rites de bizutage.
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