En 1859, à 50 ans tout juste, le naturaliste et paléontologue anglais Charles Darwin publie l’ouvrage qui va révolutionner la biologie, L’O...
En 1859, à 50 ans tout juste, le naturaliste et paléontologue anglais Charles Darwin publie l’ouvrage qui va révolutionner la biologie, L’Origine des espèces. Tous les êtres vivants, affirme-t-il, ont évolué au cours du temps à partir de quelques ancêtres communs grâce au processus de la sélection naturelle. Le scandale est à la hauteur du blasphème : selon les lois de l’évolution, l’homme fait partie du règne du vivant au même titre que l’éléphant ou le ver de terre. Il n’est plus au centre, et encore moins au sommet de la création. Une rupture majeure avec la pensée classique judéo-chrétienne, pour qui notre espèce, créée par Dieu, n’a pas sa place dans la nature mais au-dessus d’elle.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans la longue construction occidentale de la nature, tout commence en Grèce, comme d’habitude. Avant même Aristote (384-322 av. J.-C.), les philosophes présocratiques s’efforcent de dégager des lois pour expliquer le monde qui les entoure. Il s’agit pour eux de proposer des causes physiques à chaque sorte de phénomène, des causes relevant de leur « nature » et non de l’arbitraire des dieux. « Pour le philosophe et mathématicien Thalès, s’il survient un tremblement de terre, ce n’est pas parce que Poséidon s’énerve et remue la mer, et que la Terre étant posée sur les eaux, elle se met à trembler. C’est à cause d’une série régulière de phénomènes qui ne nécessitent plus l’intervention des dieux », résume le philosophe des sciences Dominique Bourg. Le concept des lois naturelles est déjà là. Il reviendra à Aristote (voir extrait) de le systématiser.
Dès le début du livre II de sa Physique, ce disciple de Platon définit la nature comme « un certain principe, à savoir une cause du fait d’être mû et d’être en repos pour ce à quoi elle appartient immédiatement par soi et non par accident ». Ce principe est celui de la phusis, qui donnera natura en latin : ce qui apparaît de soi-même, ce qui advient à l’existence. La phusis, « c’est d’abord le processus de développement des choses qui croissent, précise le philosophe Pierre Pellegrin, traducteur d’Aristote. C’est ensuite la matière première à partir de laquelle les choses se développent ; c’est aussi le moteur même de ce développement, et pour Aristote, cela ne peut être qu’une réalité formelle : “l’homme engendre l’homme”, c’est-à-dire qu’il faut que la réalité originaire soit en pleine possession de sa nature pour que le processus d’engendrement ait lieu ; c’est enfin le résultat de ce processus de développement, ce que l’on appelle couramment la “nature” de chacune des choses. »
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