Ce n’est encore qu’une tension virtuelle, une guerre des mots, une succession de coups de poker et de furieux brassages d’air. Mais cela dur...
Ce n’est encore qu’une tension virtuelle, une guerre des mots, une succession de coups de poker et de furieux brassages d’air. Mais cela dure depuis si longtemps. Et, malgré les médiations, le point de bascule n’a jamais paru aussi proche : entre l’Ethiopie et l’Egypte, il suffirait d’un incident, d’une bêtise, d’une exagération de trop, pour que se déchaîne un conflit autour du contrôle des eaux du Nil. En amont, sous forme de gouttes de pluie, l’eau a commencé à tomber en abondance depuis le mois de juin sur le massif montagneux de l’Ouest éthiopien, comme tous les ans lors de la longue saison pluvieuse qui dure jusqu’en septembre. Ce flot, considérable, alimentera le fleuve qui compte onze pays riverains, mais dont un seul l’associe, littéralement et symboliquement, à sa survie : l’Egypte. Les Etats les plus concernés par le cours principal du Nil – Egypte, Ethiopie, Soudan – doivent trouver un accord pour le partage de cette ressource. Un accord espéré depuis des décennies, et dont l’absence – ou l’échec – devient explosive.
L’enjeu du conflit, ou sa solution, c’est ce bloc de béton encore inachevé de 1 780 mètres de long et 155 mètres de haut (pour le barrage principal), qui s’édifie dans l’ouest de l’Ethiopie, sur la rivière Abay (Nil bleu). Le Nil, plus grand fleuve du monde avec l’Amazone, tire ses eaux d’un bassin-versant gigantesque, couvrant 2,9 millions de kilomètres carrés, soit le dixième de la superficie de l’Afrique, une zone peuplée de 238 millions de personnes. C’est à présent leur avenir qui est en jeu. Une coopération fructueuse sur la gestion de cette ressource permettrait d’électrifier, d’irriguer et d’accompagner la transformation de cette partie du continent, qui comptera peut-être 600 millions d’habitants en 2050. Pour cela, il faut un accord accepté par toutes les parties, dans les plus brefs délais.
Sésame pour l’avenir
Pour la première fois, début juillet, l’Ethiopie a annoncé qu’elle allait retenir une partie du Nil bleu qui prend sa source sur son sol, et constitue le plus gros du débit du fleuve en aval lorsque ses eaux rejoignent celles du Nil blanc à Khartoum, au Soudan, avant de poursuivre vers la Méditerranée en traversant l’Egypte. Cet apport est destiné à la mise en eau du grand barrage de la Renaissance de l’Ethiopie (GERD), cet ouvrage géant dont la construction commencée il y a près de dix ans est devenue l’objet du contentieux éthio-égyptien. Le GERD est le sésame de l’Ethiopie pour l’avenir. L’Egypte, dont les besoins en eau dépendent entièrement du fleuve, le voit plutôt comme un robinet sur lequel elle souhaite garder la main. Quant au Soudan, il tremble. Le barrage soudanais de Roseires, rénové en 2013, est lui aussi situé sur le Nil bleu, à quelques dizaines de kilomètres en aval du GERD. Il ne contient que le dixième de ce qui sera le volume final de l’ouvrage de son voisin. Or, le déversoir du barrage secondaire du GERD mène directement à la retenue soudanaise. En cas de problème technique, le Soudan sera-t-il inondé ? Ou, au contraire, pourra-t-il compter sur l’énergie produite par le grand barrage africain pour se développer, et étendre ses projets d’irrigation ?
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