Gustave Kervern et Benoît Delepine, à Paris, le 24 août 2020. RUDY WAKS POUR « LE MONDE » Seize ans et neuf longs-métrages – pour ce q...

Seize ans et neuf longs-métrages – pour ce qui regarde le cinéma – que ça turbine entre eux. Benoît Delépine et Gustave Kervern, sexagénaires originaires du Groland, seront parvenus à introduire quelque chose du mauvais esprit de cette émission « hara-kiriesque » de Canal+ dans le septième art. L’exploit n’est pas mince, le cinéma ne se prêtant pas sans risque à l’outrance. Au fil du temps et des films, de fortes personnalités leur ont prêté leur concours : Yolande Moreau, Corinne Masiero, Bouli Lanners, Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Albert Dupontel, Michel Houellebecq, Jean Dujardin. Aujourd’hui, dans Effacer l’historique, aux côtés de Corinne Masiero, Blanche Gardin et Denis Podalydès entrent à leur tour dans la danse endiablée de ces deux anars, qui s’en prennent frontalement aux GAFA. Interview technologique.
Voici bientôt vingt ans que votre œuvre attaque les puissances d’argent et de pouvoir qui dissolvent le lien social, et partant l’humanité. Eu égard au médiocre résultat de ce combat, ne ressentez-vous pas une sorte d’usure ?
Benoît Delépine : Les films ont toujours un rapport avec la réalité. Je rappellerai que notre héros du Grand Soir, interprété par Benoît Poelvoorde, occupait bien avant les « gilets jaunes » le rond-point d’un centre commercial. Et de nouveau, en écrivant la première version d’Effacer l’historique, qui s’intitulait alors Le Dodo, nous décrivions sans le savoir ce mouvement à venir. De sorte que, lorsqu’il s’est réellement produit, nous avons dû tout réécrire parce que nous racontions quelque chose qui était en train de se passer dans l’actualité. Nous nous sommes rabattus sur les GAFA.
Gustave Kervern : C’est vrai que c’est un peu fatigant à la longue de se battre pour rien. Mais nous, soyons clairs, on fait des films, c’est passionnant, et le bonheur de la création nous fait évidemment oublier ce que peut avoir de frustrant le peu d’impact de cette création sur le cours des choses. En plus, il y a toujours dans nos films une dimension absurde qui se superpose à la pure et simple dénonciation. Nous nous en prenons aux GAFA, mais nous-mêmes nous sommes accros ! Tout ça est très ambigu.
B. D. : On a quand même un peu l’impression que nous creusons nous-mêmes notre tombe. Tout va dans le sens de rester seul chez soi derrière un écran à commander des pizzas et des films. C’est ça qui fait peur. Ce sont nos travers qu’il faut commencer à regarder. Aller toujours dans le sens d’une plus grande facilité. Céder au « c’est pratique ». On renchérit des entreprises monopolistiques qui ruinent le commerce et sa fonction sociale, et qui sont assises sur des monceaux d’argent.
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