Tribune. Imaginez un monde où les contacts entre les humains se feraient essentiellement par l’intermédiaire d’écrans, ainsi que l’ont pro...

Tribune. Imaginez un monde où les contacts entre les humains se feraient essentiellement par l’intermédiaire d’écrans, ainsi que l’ont prophétisé nombre de dystopies. Et pourtant, n’est-ce pas ce qui pourrait arriver de mieux aux sourds, dans l’état actuel des choses ? Cynisme ou réalisme ?
Pour lutter contre le Covid-19, les dirigeants exhortent à limiter les interactions sociales et à généraliser le port du masque. Après maintes tergiversations sur celui-ci, dont l’efficacité a dans un premier temps été remise en question, faute de stocks suffisants, le masque est devenu la norme, et de plus en plus de villes l’imposent dans les espaces publics. Bientôt, les entreprises feront de même.
Les consignes sur le type de masque ont également changé : celui-ci doit être chirurgical ou en tissu, et la visière en Plexiglas transparent n’est plus acceptée, car insuffisamment protectrice.
Et les sourds dans tout cela ? Sur les 5 à 7 millions de sourds et malentendants recensés en France (selon les critères qui peuvent varier d’une enquête à l’autre), soit près de 1/10e de la population française, environ 100 000 utilisent la langue des signes pour communiquer. Les autres ont recours à des appareils auditifs, la lecture labiale et/ou le LPC [langage parlé complété].
Une force
Quel que soit le mode de communication utilisé, la vue du visage de l’interlocuteur est cruciale pour le sourd ou le malentendant dans l’échange verbal et sa compréhension, qu’il s’agisse des expressions faciales ou des mouvements de la bouche. Aujourd’hui, la généralisation du port du masque opaque aboutit à l’exclusion de facto d’une partie de la population, à l’échelle de la France comme du reste du monde.
Je parle en connaissance de cause, étant moi-même sourde profonde de naissance et oraliste. Ma différence n’a jamais été jusqu’à présent un facteur d’exclusion ; au contraire, elle a même été une force, puisqu’elle m’a donné, avec le soutien constant de mon entourage familial, la volonté et l’énergie de me battre pour réussir socialement et professionnellement.
Aujourd’hui, après un parcours scolaire et universitaire effectué entièrement dans un milieu « entendant », je suis fière d’occuper un poste de conservatrice en chef à la Bibliothèque nationale de France, une institution qui favorise l’intégration des différences et qui a mis à ma disposition, et à celle d’autres collègues atteints de surdité, des moyens d’accessibilité aux réunions de groupe, à travers la transcription en direct assurée par la seule société française spécialisée dans ce type d’accessibilité, Tadeo.
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