Robert Pattinson et John David Washington, les deux acolytes peu identifiables, dans « Tenet ». WARNER BROS. ENTERTAINMENT, INC. Le v...

Le voici, le voilà, Tenet, de Christopher Nolan. Soit le premier blockbuster attendu comme le messie depuis le règne obscur de la pandémie, celui qui doit montrer l’exemple, sauver l’industrie du cinéma de la morosité et de la faillite, rédimer les spectateurs en leur redonnant l’envie de la salle. Petit exemple de la fièvre qui l’accueille : l’UGC Ciné Cité Les Halles, baromètre de la fréquentation française, a programmé vingt séances pour ce film le jour de sa sortie, mercredi 26 août. De quoi faire revoir leur copie aux poètes confinés du « monde d’après ». Contrairement à Disney, qui sort directement Mulan sur sa plate-forme Disney+, la Warner joue en effet Tenet en salle, sinon à domicile du moins partout où c’est possible dans le monde. C’est donc à Christopher Nolan qu’incombe cette lourde tâche, lui l’Anglo-Américain à la stature « néo-spielbergienne », qui sauve de l’usinage super-héroïque le cinéma hollywoodien à très grand spectacle.
Normalement, comme amateurs de cinéma, vous ne connaissez que lui. Memento (2000), la trilogie « batmanienne » Dark Knight (2005-2012), Inception (2010), Interstellar (2014), Dunkerque (2017), pour ne citer que ses films les plus notables. Du cinéma de genre (polar, science-fiction, opéra spatial, film de guerre…), mené avec une maîtrise impeccable, enlevé avec un goût de la distorsion et de la virtuosité qui vaut effet de signature. Coups de force narratifs, paradoxes temporels, diffraction de l’écriture et de l’action, récits parallèles, brouillage entre réalité et fiction, manipulation démiurgique du spectateur, autant de traits qui caractérisent le style de Nolan.
Ainsi que cette volonté de mêler le cinéma grand public et l’ambition conceptuelle, qui lui permet de gagner sa liberté de super-auteur au sein de l’empire hollywoodien. Quelques motifs récurrents marquent de fait son œuvre (l’angoisse de la rupture dans la transmission familiale, le pessimisme moral, l’apocalypse comme horizon), de même qu’un positionnement d’esthète old style définit la persona du créateur : refus du numérique, costume et tasse de thé en toute occasion, la cinéphilie active et revendiquée.
Confins métaphysiques
C’est fort de ces acquis et de cette réputation, mais moins que jamais épargné par le risque du maniérisme qui les menace, que l’auteur de Tenet se présente aujourd’hui à nous. Le titre de son nouveau film est programmatique, c’est un palindrome indéchiffrable. Un mot qui se lit dans les deux sens (à l’instar de l’intrigue du film) mais dont le sens nous échappe, sans pour autant que cette échappée du sens nous subjugue par son mystère (voir Jean-Luc Godard, Andreï Tarkovski, David Lynch, Apichatpong Weerasethakul…).
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